Extraits en vrac...
Kant, Pascal, Rousseau, Tocqueville, Lévi-Strauss,
Nietzsche, Bakounine, Koyré, Bachelard, Rousseau,
Bachelard, Lowry, Apollinaire, Giacometti, Vian,
Brion, Hagakure, Pascal, Cioran, Coloane,
Houston, Le Corre, Hugo, Mermet, Abraham
La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu'un si grand nombre d'hommes, après que la nature les a
affranchis depuis longtemps d'une direction étrangère, restent cependant volontiers leur vie durant mineurs,
et qu'il soit si facile à d'autres de se poser en tuteurs des premiers. Il est si aisé d'être mineur !
Si j'ai un livre qui me tient lieu d'entendement, un directeur qui me tient lieu de conscience, un médecin qui décide pour
moi de mon régime, etc..., je n'ai vraiment pas besoin de me donner de peine moi-même, je n'ai pas besoin de penser, pourvu que
je puisse payer, d'autres se chargeront bien de ce travail ennuyeux.
Emmanuel Kant (1724 - 1804)
J'avais passé longtemps dans l'étude des sciences abstraites (...); quand j'ai commencé l'étude de l'homme, j'ai vu que ces sciences abstraites ne sont pas propres à l'homme, et que je m'égarais plus de ma condition en y pénétrant, que d'autres en les ignorant. J'ai pardonné aux autres d'y peu savoir. Mais j'ai cru trouver au moins bien des compagnons en l'étude de l'homme, et que c'est la vraie étude qui lui est propre. J'ai été trompé ; il y en a encore moins qui l'étudient que la géométrie. Ce n'est que manque de savoir étudier cela qu'on cherche le reste ; mais n'est-ce pas que ce n'est pas encore là la science que l'homme doit savoir, et qu'il lui est meilleur de s'ignorer pour être heureux ?
Blaise Pascal (1623 - 1662)
Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable.
En substituant dans sa conduite la justice à l'instinct, et en donnant à ses actions la moralité qui leur manquait
auparavant (...). Quoiqu'il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands,
ses facultés s'exercent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme tout entière
s'élève à tel point qui si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de
celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais, et qui d'un animal
stupide et borné, fit un être intelligent et un homme.
Jean-Jacques Rousseau (1712 - 1778)
Le contrat social
Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable
d'hommes semblables et égaux qui tournent dans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont
ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée
de tous les autres. Ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine.
Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d'assumer
leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier,
prévoyant et doux. Il ressemblerait à une puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les
hommes à l'âge viril, mais il ne cherche au contraire qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance.
Il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir.
Il travaille volontiers à leur bonheur, mais il veut en être l'unique agent, et le seul arbitre.
Il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, (...), que ne peut-il
leur ôter entièrement le trouble de penser, et la peine de vivre ?..
Alexis de Tocqueville (1805 - 1859)
La démocratie en Amérique.
C'est en effet qu'il y a un cercle vicieux à chercher dans la nature l'origine des règles institutionnelles qui
supposent - bien plus : qui sont déjà - la culture, et dont l'instauration au sein d'un groupe ne peut difficilement
se concevoir sans l'intervention du langage.
Claude Lévi-Strauss (1908 - 2009)
Toute morale est contraire au laisser-aller. C'est une tyrannie qui s'exerce sur la "nature" et la "raison" aussi.
Ce n'est pas là pour autant une abjection, à moins qu'on n'en veuille décréter au nom de quelqu'autre morale,
l'interdiction de toute tyrannie, et de toute déraison.
L'essentiel de toute morale, ce que en fait la valeur inestimable, c'est qu'elle est une longue contrainte.
Pour comprendre le stoïcisme ou Port-Royal, ou le puritanisme, il faut se souvenir que c'est toujours par
l'effet d'une contrainte que le langage est parvenu à acquérir vigueur et liberté...
Si étrange que cela puisse sembler, tout ce qui existe a a jamais existé sur terre en fait de liberté,
de finesse, d'audace, de danse, de magistrale assurance, que ce soit dans la pensée proprement dite, dans l'art de
gouverner, de parler ou de convaincre, dans les arts ou dans les morales, n'a jamais pu fleurir que sous la tyrannie de
ces "lois arbitraires". Et je le dis très sérieusement, selon toute apparence, c'est la contrainte qui est la nature et
le naturel, et non le laisser-aller.
Friedrich Nietzsche (1844 - 1900)
Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m'entourent, hommes et femmes, sont également libres.
La liberté d'autrui, loin d'être une limite ou une négation de ma liberté, en est au contraire la
condition nécessaire et la confirmation. Je ne deviens vraiment libre que par la liberté des autres, de sorte que,
plus nombreux sont les hommes libres qui m'entourent, et plus étendue et plus large est leur liberté,
plus étendue et plus profonde devient ma liberté. C'est au contraire l'esclavage des hommes qui pose
une barrière à ma liberté, ou, ce qui revient au même, c'est leur bestialité qui est
une négation de mon humanité parce que, encore une fois, je ne puis me dire vraiment libre que lorsque ma
liberté, ou ce qui veut dire la même chose, lorsque ma dignité d'homme, mon droit humain,
qui consiste à n'obéir à aucun autre homme et à ne déterminer mes actes que
conformément à mes convictions propres, réfléchis par la conscience également
libre de tous, me reviennent confirmés par l'assentiment de tout le monde. Ma liberté personnelle ainsi
confirmée par la liberté de tous s'étend à l'infini.
Mikhaïl Bakounine (1814 - 1876)
L'empire knouto-germanique
Les sociétés n'apprécient généralement que fort peu l'activité purement gratuite, à
ses débuts du moins, parfaitement inutile du théoricien. Car il faut bien le reconnaître, la théorie ne
conduit pas, du moins pas immédiatement, à la pratique, et la pratique n'engendre pas, du moins pas directement, la théorie.
Alexandre Koyré (1892 - 1964)
La Science (...) s'oppose absolument à l'opinion. S'il lui arrive sur quelque point particulier de légitimer l'opinion,
c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion. De sorte que l'opinion a en droit toujours tort. L'opinion pense mal,
elle ne pense pas.
Elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les comprendre.
On ne peut rien fonder sur l'opinion. Il faut d'abord la détruire, elle est le premier obstacle à signaler.
Gaston Bachelard (1884 - 1962)
La formation de l'esprit scientifique
Quiconque est maître n'est pas libre, et régner c'est obéir.
Jean-Jacques Rousseau (1712 - 1778)
Le contrat social
- Il n'y a pas de vérité première, que des erreurs premières.
- Le réel n'est jamais ce qu'on aurait pu croire, mais ce qu'on aurait dû penser.
- Quand il accède à la science, l'esprit n'est jamais jeune, il est même très vieux.
- Comprendre scientifiquement, c'est rajeunir spirituellement.
Gaston Bachelard (1884 - 1962)
Trinité
Emprisonné dans le Liverpool de mon être
Je hante les arcades éventrées du passé
Rangé tres haut sur quelque étagère oubliée
Je trouve enfin l'objet que jai longtemps cherché
Mais voici que l'étagère se change en mât,
Puis le mât se change en arbre déraciné
Sur lequel un crucifié
Vascille, entre deux larrons qui sont moi.
Malcolm Lowry (1909 - 1957)
Pour l'amour de mourir
Les jeux divins de la vie et de l'imagination donnent carrière à une activité poétique toute nouvelle.
C'est que poésie et création ne sont qu'une même chose, on ne doit appeler poète que celui qui invente,
celui qui crée, dans la mesure où l'homme peut créer. Le poète est celui qui découvre de nouvelles joies,
fussent-elles pénibles à supporter. On peut être poète dans tous les domaines : il suffit que l'on
soit aventureux et que l'on aille à la découverte.
Le domaine le plus riche, le moins connu, celui dont l'etendue est infinie, étant l'imagination, il n'est pas étonnant
que l'on ait réservé plus particulièrement le nom de poète à ceux qui cherchent les joies
nouvelles qui jalonnent les énormes espaces imaginatifs.
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
L'esprit nouveau et les poètes.
On ne peut pas exprimer par des mots ce qu'on a dans l'œil et dans la main. Les paroles faussent les pensées, les écrits
faussent les paroles : on ne se reconnait plus. Je ne crois pas à un problème de l'espace, l'espace est crée par
les objets, un mobile se déplaçant tandis qu'aucun point de son corps n'est en contact avec un autre objet n'aurait pas la
sensation de l'espace. Ce qui compte c'est le sujet. L'espacé, les formes, la toile, le plâtre, le bronze... autant de moyens.
L'important est de recréer un objet qui puisse donner la sensation la plus proche de celle ressentie à la vue du sujet...
La sculpture repose sur le vide. C'est l'espace qu'on creuse pour construire l'objet et à son tour l'objet crée l'espace.
C'est l'espace même qui est entre le sujet et le sculpteur.
Alberto Giacometti (1901 - 1966)
"... Voilà, j'ai toujours prétendu pouvoir me mettre exactement dans la situation de tout ce qui me fut antagoniste,
et de ce fait, je n'ai jamais pu lutter contre ce qui s'opposait à moi, car je comprenais que la conception correspondante ne
pouvait qu'équilibrer la mienne pour qui n'avait aucune raison subjective d'en préférer l'une ou l'autre. C'est tout."
Boris Vian (1920 - 1959)
L'herbe rouge
Je retrouvais dans les yeux du paon le même indifférence à mon égard que dans le regard de la jeune fille.
Il gonfla son jabot, frémit de toutes ses plumes, hérissa son diadème et son pectoral dans un froissement
d'orfèvreries secouées. Une de ses pattes portait un anneau d'or et un morceau de chaine brisée.
Il allait et venait parmi les fruits tombés dans l'herbe, semblable à une servante-maîtresse parée des
bijoux d'une morte, et les singes, tête contre tête, parlant à voix basse, se moquaient de lui.
Marcel Brion (1895 - 1984)
La ville de sable
Yagyu Tajima-no-kami était un Maître éminent du combat à l'épée dont il enseignait l'art au
Shogoun, qui était alors Tokugawa Jyemitsu. Un jour, un des gardes du corps du Shogoun vint trouver Yagyu Tajima-no-kami et
lui demanda des leçons d'escrime. "Autant que j'en puisse juger, dit le Maître, vous êtes vous-même un
Maître épéiste. Avant que nous n'entrions dans la relation du maître à l'élève,
j'aimerais que vous me disiez à quelle école vous appartenez." Le garde du corps répondit : "Je dois
avouer, à ma honte, que je n'ai jamais appris cet art. - Voulez-vous vous moquer de moi ? Je suis le maître du
respectable Shogoun et je sais que mon œil ne peut me tromper. - Vraiment, je regrette de vous manquer d'égards,
mais je ne possède aucune connaissance." Devant une telle dénégation, le Maître resta tout songeur,
puis il dit finalement : "Puisque vous le dites, ce doit être ainsi, mais vous êtes certainement passé maître
dans quelque chose, bien que je ne voie pas exactement de quoi. - Et bien, puisque vous insistez, je vous dirai qu'il est une
chose en laquelle je puis prétendre être passé Maître. J'étais encore enfant quand l'idée
me vint qu'un Samouraï n'avait pas le droit de craindre la mort en aucune circonstance et, depuis quelques années,
je me suis colleté sans cesse avec l'idée de la mort ; ensuite, cette question a cessé de me préoccuper.
Il se peut que ce soit à ça que vous vouliez faire allusion. - Parfaitement c'est cela ! s'écria
Yagyu Tajima-no-kami, c'est ce que je voulais dire, mon jugement ne m'a pas trompé, j'en suis heureux. être
délivré de l'idée de la mort est également l'ultime secret de l'art de l'épée.
Quant à vous, vous n'avez plus besoin d'un entrainement technique, vous êtes déjà Maître."
"Hagakure"
Maître Taknan
Traité de l'impassible compréhension
Beauté poétique - Comme on dit beauté poétique, on devrait aussi dire beauté géométrique,
et beauté médicinale ; mais on ne le dit pas : la raison en est qu'on sait bien quel est l'objet de
la géométrie, et qu'il consiste en preuves, et quel est l'objet de la médecine, et qu'il consiste en
la guérison ; mais on ne sait pas en quoi consiste l'agrément, qui est l'objet de la poésie. On ne sait
ce que c'est que ce modèle naturel qu'il faut imiter, et, à faute de cette connaissance, on a inventé certains
termes bizarres : "Siècle d'or, merveille de nos jours, fatal", etc. ; et on appelle ce jargon beauté poétique.
Mais qui s'imaginera une femme sur ce modèle-là qui consiste à dire de petites choses avec de grands mots,
verra une jolie demoiselle toute pleine de miroirs et de chaines, dont il rira, parce qu'on sait mieux en quoi consiste l'agrément
d'une femme que l'agrément des vers.
Mais ceux qui ne s'y connaitraient pas l'admireraient en cet équipage ; et il y a bien des villages où on la
prendrait pour la reine ; et c'est pourquoi nous appelons les sonnets faits sur ce modèle-là les reines de village.
Blaise Pascal (1623 - 1662)
Pensées. 932. [329-33]
Une constatation que que je ne peux vérifier, à mon grand regret, à chaque instant : seuls sont
heureux ceux qui ne pensent jamais, autrement dit ceux qui ne pensent que le strict minimum nécessaire pour vivre.
La vraie pensée ressemble, elle, à un démon qui trouble les sources de la vie, ou bien à une maladie
qui en affecte les racines mêmes. Penser à tout moment, se poser des problèmes capitaux à
tout bout de champ et éprouver un doute permanent quant à son destin ; être fatigué de vivre,
épuisé par ses pensées et par sa propre existence au-delà de toute limite ;
laisser derrière soi une traînée de sang et de fumée comme symbole du drame et de la mort de son être -
c'est malheureusement au point que la pensée vous donne envie de vomir et que la réflexion vous apparait comme une damnation.
Emil Cioran (1911 - 1995)
Tout comme une simple poignée de terre, selon la légende de l'Onaisin, avait donné naissance à l'homme,
les paroles et leurs lettres ont des humbles origines. "Maman" est un mot presqu'universel et "hee" n'est rien d'autre que la
douleur d'où Ovide a tiré ses Élégies. Les mécaniques du langage sont les mêmes chez
l'homme le plus primitif que chez le plus civilisé, et la pensée précède la parole, avec ou sans logique.
C'est pourquoi certains êtres comprennent les voix de la nature sans pouvoir les traduire.
Francisco Coloane (1910 - 2002)
El guanaco blanco
L'Esprit-Saint est débile. Wit en anglais, comme esprit en français, tend ses deux bras gracieux vers la sagesse et l'humour.
Dieu n'a ni l'un ni l'autre, le diable a les deux. C'est bien pourquoi on le surnomme le Malin. Il aime les facéties, les farces,
les contrepèteries. Avec lui, au moins, on rigole ! Qu'est-ce qu'une blague sans double
sens ? Vous avez déjà vu Dieu ricaner ? Glousser ? Rejeter la tête en arrière et se fendre
la patate ?
Nancy Houston (1953 - )
Instrument des ténèbres
Sans doute est-ce la dernière nuit (14 au 15 juillet) de cette longue balade.
Dans la ligne des cargos, au nord de l'Ile Vierge, au début du flot qui nous aidera jusqu'à l'Ile de Batz.
Et j'ai du mal à croire que cette longue traversée est sur le point de finir.
Que dire ?
Ce qui a été vécu du dedans est impossible à raconter. Cela reste en soi, derrière les yeux.
Cependant j'espère oublier cette misère qui s'accompagne de grimaces de dépit : le dépit de ne pouvoir
accepter sa propre faiblesse, la misère de ne pas savoir toujours se glisser dans ce qui doit être beau, d'être
parfois en contradiction avec son propre rêve lorsqu'il est réalité.
Yvon Le Corre (1939 - 2020)
Heureux qui comme Iris
Il y avait un banc de pierre dans un coin, une ou deux statues moisies, quelques treillages dédoués par le temps
pourrissaient sur un mur ; du reste plus d'allées ni de gazon ; du chiendent partout.
Le jardinage était parti, la nature était revenue. Les mauvaises herbes abondaient, aventure admirable
pour un pauvre coin de terre. La fête des giroflées y était splendide. Rien dans ce jardin ne contrariait
l'effort sacré des choses vers la vie ; la croissance vénérable était là chez elle.
Les arbres s'étaient baissés vers les ronces, les ronces étaient montées vers les arbres,
la plante avait grimpé, la branche avait fléchi, ce qui rampe sur terre avait été trouver ce
qui s'épanouit dans l'air, ce qui flotte au vent s'était penché vers ce qui traine dans la mousse ;
troncs, rameaux, feuilles, fibres, touffes, vrilles, sarments, épines, s'étaient mêlés, traversés,
mariés, confondus ; la végétation, dans cet embrassement étroit et profond,
avait célébré et accompli là, sous l'œil satisfait du créateurs en cet enclos
de trois cents pieds carrés, le saint mystère de sa fraternité, symbole de la fraternité humaine.
Ce jardin n'était plus un jardin, c'était une broussaille colossale, c'est-à-dire quelque chose qui est
impénétrable comme une forêt, peuplé comme une ville, frissonnant comme un nid, sombre comme
une cathédrale, odorant comme un bouquet, solitaire comme une tombe, vivant comme une foule.
Victor Hugo (1802 - 1885)
Les misérables
IV
e partie, livre III, chapitre III.
[...] Qu'aurions-nous fait à leur place ?
La réponse ? Difficile. Il faut resituer, consulter l'histoire, entendre aussi vibrer les mémoires.
Mais la question n'est pas :
Qu'est-ce que nous aurions pu faire à leur place ?, mais
Qu'est-ce que nous
faisons à notre place aujourd'hui, ici ?
Qu'est-ce que nous faisons à notre place, comment faire pour savoir ce qui est possible ? Et comment faire pour que le
possible (et l'impossible) advienne ?
Daniel Mermet (1942 - )
Là-bas si j'y suis
[...]
Un calme étonnant s'est installé en moi, qui dure encore. J'ai abandonné à regret, à seize heures trente.
Je me suis lavé longuement les mains et j'ai gagné la lanterne pour les cérémonies de l'allumage.
Chaque geste était clair et chaque pensée tranquille. Elle est donc bien misérable, cette fameuse inquiétude,
qui ne résiste pas à un simple travail, au va-et-vient dérisoire d'un chiffon sur un objet en cuivre !
Il ne faut pas faire le malin, c'est aussi en regardant la mer aller et venir, aveuglement, que je me suis perdu.
Jean-Pierre Abraham (1936 - 2003)
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